21/12/2012
27/12/2011
Holisme
Vous avez sans doute l’intuition de vous exposer à un mur de contre-arguments aussi valides que votre opinion et qui, ensemble, démontrent le problème plus qu’ils ne donnent de réponse.
Pourquoi chercher du sens? Autant demander « pourquoi sommes nous sapiens sapiens? »
C’est une fausse question. Nous nous situons à un carrefour, avec d’un coté un héritage du temps mythique des origines (archétypes et répétitions) et de l’autre notre bagage culturel humaniste et des lumières. Nous avons aboutit à un ethnocentrisme érudit qui rend difficile l’acceptation des aspects archaïques ne notre ontologie.
16/09/2011
La crise, la femme, l’homme (la crise l'affame, l'homme)
Il est significatif de voir Paul Jorion et Also Naouri sur un même plateau de télévision s’exprimer chacun à leur manière au sujet de la crise, et on se demande si les organisateurs en avaient conscience.
Car une compréhension de l’enfance et de l’éducation telles qu’elles ont évolué ces quarante dernières années apporte un éclairage, anthropologique s’il en est, sur la psychologie des auteurs/acteurs de cette crise dite actuelle. L’intervention télévisée terminait là où ces questions commençaient à se poser.
Paul Jorion semblait contredire Aldo Naouri lorsqu’il témoignait de son vécu dans le milieu financier qu’il décrit comme essentiellement masculin, à tout le moins dirigé exclusivement par des hommes. S’y lisait en filigrane un commentaire vaguement féministe, rappelant l’argument selon lequel les femmes apporteraient plus de vertu dans les conseils d’administration, comme si la responsabilité d’une crise qui intervient dans des sociétés occidentales au sommet de leur individualisme et à l’apogée du règne de l’argent (de «l’avoir plus», au dépend de «l’être mieux» pour évoquer la formule proposée par les nouveaux apôtres du monde "durable"), pouvait être imputée (aussi) au fait d’être de sexe masculin.
Aldo Naouri, enonce contradictoirement que, le matriarcat ayant supplanté la fonction paternelle depuis mai 68 (pour abréger), il ne faut pas s’étonner que les limites aux lois (ethnopsychologiques, ou "civilisationnelles" entre autres) soient franchies sans plus de vergogne que d’opposition. Apposer à cela la libéralisation (contemporaine des grandes batailles feministes) d’un marché plus proche aujourd’hui du Farwest que d’une soit-disant «civilisation numérique», et on voit bien ce que la toute puissance maternelle, asservissant ses enfants au principe de plaisir, a d’analogue à la recherche effrénée de profits en constante croissance.
On s’étonne qu’Aldo. Naouri s’en étonnât lui-même. Car ce n’est qu’une facette de la perversité ambiante (dénotée aussi par l’ «impératif anxiogène de bonheur sans contenu» qui ordonne la vie d’une foule innombrable…)
Alors quelle contradiction pourrait-il y avoir entre l’évocation de vertus inhérentes à la femme et la réprobation de l’effondrement du patriarcat?
Absolument aucune.
Puisque les hommes nés en 1968 ont aujourd’hui 44 ans, ils sont, pour ce qui est de la technostructure financière, aux commandes et dans la force de l’âge. Ils sont par ailleurs nés de jeunes femmes qui ont non seulement vécu les événements de mai 68 mais dont l’entière jeunesse a été marquée par un basculement des valeurs familiales et des usages (lois ethnopsychologiques, ou ‘civilisationnelles’) jusqu’alors restés incontestés. Qu’elles le veuillent ou non, ces mères, et plus encore leur progéniture, auront subit ces facteurs, de manière infra-liminaire. Il faut prendre le temps de lire quelques textes d’Aldo Naouri pour comprendre qu’il ne s’agit là nullement de passéisme à teneur réactionnaire, mais bien de la formation d’un déséquilibre dangereux dans la structure organique de nos sociétés. D’ailleurs la boite de pandore, puisqu’on ne refusera décidément rien à nos petits anges, ne demande qu’à exhiber de nouvelles monstruosités (cf. http://www.aldonaouri.com/textes/Lafamille.pdf).
Davantage de femmes dans les conseils d’administration rassureraient peut-etre les enfants terribles du capitalisme sans foi ni loi, mais on se demande bien d’où pourrait advenir un quelconque «rebond moral», sans parler du monde meilleur qu’on nous prepare pour «après la crise».
08/02/2011
A Jacques Ellul
Ce qu’il y a de positif dans cette crise c’est le fait qu’elle interroge notre perception du réel. Soudain nous ne sommes plus les passagers plus ou moins bienheureux d’un train compartimenté en 1ere, 2eme et 3eme classe, mais nous devenons les acteurs individuels (surtout individuels) imaginant un système à venir. Pourvu que l’Homme se découvre un « supplément d’âme » rapidement, nous aurons peut-être le temps de mettre en oeuvre des changement profonds dans nos sociétés. En cultivant son jardin, en parlant autour de soi, on y contribue et on repousse chaque fois un peu les forces cataclysmiques qui cherchent à nous engouffrer.
07/02/2011
Des nouvelles du front
Mon expérience décrite ci-dessous entre en résonance avec les exposés et propositions qu’on peut consulter sur le très chouette site web de Fréderic Lordon : fredericlordon.fr/
Des nouvelles du front
Peut-être connaissez-vous la société américaine SuccessFactors qui offre à ses clients les moyens de construire un discours cohérent, et acceptable par leurs salariés, autour de la performance individuelle dans l’entreprise. De véritables humanistes, vous vous en doutez, avec qui on voudrait pouvoir discuter au coin du feu de déterminisme technologique et de progrès social…
Leur site web annonce la couleur :
« Bienvenue dans la nouvelle ère qu’inaugure le logiciel d’exécution des stratégies d’entreprise de SuccessFactors. Notre suite intégrée de produits à la demande permet aux entreprises comme la votre de développer leur chiffre d’affaires et de réaliser de véritables économies en alignant leurs employés sur leur stratégie, en donnant à ces derniers tous les atouts pour réussir et en les incitant à exploiter leur potentiel. Le résultat ? L’optimisation de la performance de votre entreprise. L’exécution fait toute la différence™. »
Les salariés n’ont toutefois pas été consultés au sujet du bien qu’on leur veut.
Mon employeur du secteur informatique est client de SuccessFactors et en tant que tel impose aux salariés l’exercice de l’«auto-évaluation».
En ce milieu d’année fiscale je m’apprête donc à évaluer mes progrès selon mes objectifs personnels « S.M.A.R.T. » (Spécifique, Mesurable, Achievable, Relevant, Time-framed) dont il m’aura d’abord fallu accoucher seul et dans la douleur. Notez le délicieux double-sens qu’introduit l’acronyme, qui est aussi un croustillant contre-sens faisant comprendre que plus c’est gros et con, plus ça empêche la contradiction. Implacable effet de la démultiplication des paradigmes (Spécifique, Mesurable, Achievable, Relevant, Time-framed).
Je ne parle pas ici de « facteurs de succès » car il serait bien trop long de passer en revue toutes les façons par lequel l’homme en clique diffère de l’homme en société, et les méthodes (‘smart’ ou carrément violentes) par lesquelles les cliques assurent leur emprise sur celle-ci (il existe sûrement une ample littérature sur le sujet…).
Mais revenons à SuccessFactors.
Le barème applicable à mes prouesses en entreprise est le suivant :
5 – Exceptional – unusually excellent; superior
4 – Superb – admirably fine or excellent; extremely good
3 – Fully Successful – fully competent; expected and good
2 – Inconsistent – mixed good and poor performance
1 – Unsatisfactory – insufficient performance
On voit comment se stratifie le succès « made in Globalia ». Le succès c’est bien, mais encore faut-il le qualifier, sinon c’est trop cher. Le top du top, ou juste le top? C’est ainsi qu’on arrive à des évaluations sur 120% voir plus… et que remplir 100% de ses objectifs n’a plus valeur que d’un moyen « fully successful » tout juste bon à justifier son salaire actuel…
Par contre on ne sait pas comment différencier les divers degrés d’un échec. Il n’y a pas de nuance propice à la deuxième chance. Plus encore, l’échec c’est tabou, à tel point qu’on a supprimé le zéro. Et c’est très éloquent : Le 1 c’est pas bien, c’est la solitude. C’est la réclusion hors du groupe, porteuse d’une distance critique!
Résultat : paranoïa.
Pourquoi y-a-t-il encore des manageurs si c’est à moi de me casser la nénette à m’auto-évaluer ? On voit bien le cynisme perfide du système que tous mes collègues (manageurs inclus) s’accordent à conchier mais qui perpétue la servitude volontaire. Car il serait tentant de n’employer contre ce système que les armes du mépris qu’il mérite en s’accordant des notes maximales partout. Or ce serait là le signe le plus clair d’une dissidence extrémiste, d’une désolidarisation provocante à l’entreprise bigbrotheresque de soumission collective. Or le mauvais esprit ne paye pas dans l’entreprise 2.0.
On est en réalité à un cheveu d’attendre de moi mon autocritique. Et c’est ce cheveu même qui, en laissant une marge infinitésimale de sécurité morale à l’entité qui en use, permet à celle-ci de générer un discours implacable et grandiloquent à base de valeurs largement répandues et « fédérantes ».
Si dans mon entreprise je dis a mon N+2 qu’il attend de moi mon autocritique, il me rétorquera que je suis bien trop aigri (Cf. Down with Fun, in The Economist), que je « prends tout mal », que j’ai mauvais esprit. Il en profitera pour ne surtout pas me saquer, mais j’aurai néanmoins activé un risque systémique à la petite échelle de ma carrière dans ce lieu. Et, petit à petit, l’ostracisme aidant, mes propres forces de déduction me conduiront vers la porte tout seul, comme un grand.
D’un autre coté, si je faisais effectivement mon autocritique, eh bien cela ne les dérangerait pas plus que ça ; au moins aurait-il beau jeu d’ignorer ceci « par pudeur » tout en me refusant l’augmentation en toute logique.
Le salarié est donc enrôlé bon gré mal gré, mais ne se fait aucune illusion, ou de moins en moins. De la désillusion jaillira peut-être le désespoir, et de celui-ci la révolte ? Peut-être est-ce une étape nécessaire, mais insuffisante. Il faut démystifier les inepties en entreprise. L’humour et le ridicule sont de bonnes armes in situ. En dehors de ça il y a Marx et son analyse du déterminisme technologique…
Le « succès », comme la vraie vie, est ailleurs.
22/11/2010
19/11/2010
Le moment fraternité - Régis Debray
A ceux qui sont allés au bout... bravo!
Pour ma part j'en suis sorti avec l'impression tenace d'être absolument inculte...
Aurait-il le style qui toise ou suis-je donc encore loin du compte culturellement pour pénétrer ces arcanes médio-socio-historico-politicologiques ?
A moins que ses tracasseries autour du lien social, du "faire-lieu" et du "faire-corps" s'inscrivent à un carrefour (je positivise) ethnocentré et bien embouteillé des sciences sociales, de la culture et des arts, que l'indou en moi aborde par un "AUM" ("il n'y a rien, tout n'est qu'une illusion")
Pour ma part j'en suis sorti avec l'impression tenace d'être absolument inculte...
Aurait-il le style qui toise ou suis-je donc encore loin du compte culturellement pour pénétrer ces arcanes médio-socio-historico-politicologiques ?
A moins que ses tracasseries autour du lien social, du "faire-lieu" et du "faire-corps" s'inscrivent à un carrefour (je positivise) ethnocentré et bien embouteillé des sciences sociales, de la culture et des arts, que l'indou en moi aborde par un "AUM" ("il n'y a rien, tout n'est qu'une illusion")
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Voudrait-on voir en Gérard Depardieu le comble du cynisme en le comparant à Harpagon assis sur son tas d’or au poste frontière qu’on n’aurait pas pris toute la mesure des comportements antisociaux de nos « élites» économiques, politiques, médiatiques, culturelles.
Mais ce sont là des anecdotes dont la presse fait des gorges chaudes. On a pu lire cette semaine un article bien plus élogieux dans le Guardian[1] sur l’action caritative de Cherie Blair. Cette femme qu’on voit régulièrement dans les rassemblements des grands de ce monde a levé 4 millions de Livres en donation de la part de Vodafone au profit de sa « Fondation Cherie Blair » (www.cherieblairfoundation.org). Cette fondation a pour but d’aider les femmes d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient à devenir « économiquement indépendantes ». Car « il y a beaucoup de femmes dans les marchés émergents qui sont dans la position dans laquelle j’étais dans les années 1970 » déclare-t-elle dans cet entretien qui la présente par ailleurs comme profondément concernée par le sort de ces femmes « qui du jour au lendemain peuvent se retrouver veuves et sans ressource« . Au fil de l’article on apprend que « Blair, entourée de quatre téléphones mobiles, est désireuse de parler de technologie« , avant d’en arriver à cet édifiant constat sur la misère de la condition féminine dans les pays émergents : « Une femme est 23% moins susceptibles de posséder un téléphone qu’un homme en Afrique et 37% moins en Asie du Sud par exemple« .
Ça par exemple! Il faudrait être naïf ou ancien spin-doctor du New Labour pour se retenir de faire un rapprochement entre l’altruisme de Vodafone et les marchés émergents, via la Fondation Cherie Blair. Car des organisations caritatives qui viennent en aide aux femmes il en existent déjà plusieurs[2] qui auraient pu employer ces millions dans des campagnes autrement plus urgentes que l’accès au téléphone portable (par exemple). De plus, apprendra-t-on à Cherie que « l’indépendance économique » dans le monde réel se nomme « urgence humanitaire » et « urgence sociale », et que les deux tendent à se retrouver pèle-mêle au coin de nos rue ces temps-ci?
La famille Blair s’emploie à redorer son blason alors que Tony, politicien hors pair mais désormais haï, semble exprimer une certaine nostalgie pour la vie dans un parti travailliste[3] qui peine encore à combler son déficit de leadership
On pourrait s’en tenir au compte rendu de ce non-événement dans le monde de la politique-business dont on croit toujours avoir fait le tour. Hélas il faut poursuivre…
De l’esprit entrepreneur de Cherie Blair est sorti un projet qui a eu relativement peu d’écho dans la presse. Il s’agit de la création de centres médicaux privés dans des supermarchés. Dans le contexte actuel de privatisation du National Health Service (NHS) par amputations budgétaires sévères, on admettra que l’idée semble lucrative. D’autant plus que la structure financière de l’entreprise de Cherie Blair repose sur un fonds de private equity mis en place dans l’état américain du Delaware et les îles Caïmans[4]. Si les coupes budgétaires dans le NHS répondent à des pertes de rentrées fiscales, celles-ci font donc résolument partie du business plan de Cherie Blair. La question fondamentale pour le couple Blair est de savoir où s’arrête la carrière personnelle et où commence le conflit d’intérêt, et non pas seulement de savoir pourquoi la femme d’un ancien leader du Parti travailliste met en place un système privé concurrent à l’un des emblèmes historiques du service publique britannique. La question morale se pose aussi, mais surtout au sujet de l’évasion fiscale dont il va maintenant être question.
Le Delaware est comme la Suisse[5]. Cet état se distingue comme celui qui offre le moins de transparence et le plus de secret à toute société ne possédant pas de compte bancaire aux Etats-Unis. Il est donc très attrayant pour la formation de sociétés écrans [6] .
Les îles Caïmans sont un paradis fiscal. Mais elles sont d’abord des territoires britanniques d’outre-mer[7] sous la juridiction du Royaume-Uni mais sans en faire officiellement partie. Ce sont les territoires de l’ancien empire britannique qui n’ont jamais acquis leur indépendance et qui sous couvert d’une législation baroque trouvent sans peine les arguments nécessaires pour s’affranchir du régime du droit fiscal en vigueur en Grande Bretagne. Ce statu territorial particulier issu de la décolonisation convient parfaitement aux structures complexes et opaques des sociétés qui s’y abritent. « Ce n’est pas illégal! » s’empressent de dégainer les édiocrates et autres chiens de gardes. Certes, mais ce n’est pas pour autant la loi qui s’applique en dehors de ces territoires et où vivent 99,99% des sujets de sa Majesté! Notons au passage que les habitants de ces îles ont la nationalité britannique et donc un passeport européen…
La question essentielle de la définition précise des relations Etat/Territoire se pose aujourd’hui de façon urgente en ce qui concerne la répartition des compétences fiscales. Un tel particularisme basé sur le secret et l’absence de fiscalité rend inaudible tout discours d’égalité devant la Loi dans une société qui reste fortement soumise à ses vieux clivages de classes.
Des lois fiscales prévalent pour 99,99% de personnes physiques et morales britanniques et fondent le système de redistribution, alors qu’une absence de régime fiscal s’applique ipso facto a des « ultra high net worth individuals » pour qui l’argent n’est plus qu’un concept, qui n’ont plus besoin de services publiques mais qui, avec leurs sociétés écrans, coûtent à la société britannique entre 4 et 20 milliards de Livres (selon les études) en perte fiscale annuelle.
Loin d’être un cas isolé, l’épouse de l’ancien Premier Ministre britannique représente cette classe de seigneurs, qui est aussi celle de Gérard Depardieu, dont les individus pourraient bien rentrer dans l’Histoire comme autant de figures d’une « gauche » antisociale s’étant dépravée le long de la Troisième Voie, et ayant bien malgré elle attisé les braises rouges d’une révolution qu’elle n’envisagea jamais que dans une transfiguration socio-libérale.
[1] http://www.guardian.co.uk/politics/2012/dec/19/cherie-blair-women-girls
[2] On citera : Women’s Aid, Refuge, Rosa UK, Women’s Resource Centre, Womankind
[3] http://www.guardian.co.uk/politics/2012/dec/18/simon-hoggart-sketch-tony-blair
[4] http://www.taxresearch.org.uk/Blog/2012/08/18/what-is-cherie-blair-up-to
[5] http://www.nytimes.com/2012/07/01/business/how-delaware-thrives-as-a-corporate-tax-haven.html
[6] D’après le Financial Crimes Enforcement Network : http://www.fincen.gov
[7] http://en.wikipedia.org/wiki/British_overseas_territories